FLEXFUEL VS
BICARTOGRAPHIE

          Cet article a pour objectif premier d’expliquer un peu les particularités de l’E85, afin ensuite de mieux pouvoir en expliquer les spécificités de réglages. De ce fait nous vous y présenterons quelques unes de ses propriétés chimique, puis la prise en compte de ces propriétés pour en tirer le meilleur partit dans les réglages moteur, et enfin, la manière de pouvoir les appliquer aux moteur via les différents outils dont nous disposons dans les cartographie.

1/ Un peu de chimie :

          On entend souvent dire qu’à l’E85, on consomme plus, qu’il faut de plus gros injecteurs etc… Ceci est tout à fait vrai, et dans cette première partie, nous vous proposons de comprendre pourquoi.

L'éthanol à un pouvoir calorifique plus faible que celui de l’essence, cela signifie par exemple que pour produire une quantité de 1 watt d’énergie, il faudra plus de quantité d’éthanol que d’essence.

D’autre part, le rapport stœchiométrique de l'éthanol sera atteint si l’on mélange 9 kilos d’air pour 1 kilo d’essence, là où à l’essence, il faudra 14,7 kilo d’air pour 1 kilo d’essence.

Nous en profitons pour rappeler que le rapport stœchiométrique représente le rapport de mélange de 2 matières pour lequel une explosion ne produira aucun résidu de surplus par rapport aux éléments qui lui ont été injectés. Ainsi, nous obtiendrons un mélange dit « riche », si des résidus de carburant seront retrouvés dans l’échappement, ou un mélange dit « pauvre » si dans les gaz d’échappement des molécules d’air sont en plus grand nombre que celles du carburant.

A titre d’exemple, 17 d’AFR sera plus pauvre que 13. Car à 17 d’AFR, nous avons 17 kilos d’air contre 13 kilos d’air à 13 d’AFR, et à chaque fois, pour 1 kilo d’essence.


Le carburant E85 est, comme son nom l'indique, composé de 85% d'éthanol et de 15% de SP95, donc le rapport stœchiométrique de ce carburant se calcul de la façon suivante :

(Stoechiométrique Ethanol * % éthanol) + (Stoechiométrique sans plomb * % sans plomb)

soit

(9 x 0,85) + (14,7 x 0,15) = 9,86 volume d'air par volume de carburant

Si l’on divise ensuite le rapport stoechiométrique de notre E85 (9,86) par celui du sans plomb (14,7), nous obtenons un rapport de 0,67 => (9,86 / 14,7), soit 33% de carburant en plus à envoyer pour obtenir le stoechiométrique.

Mais c'est une masse de carburant supplémentaire alors qu'avec les injecteurs du moteur on commande un volume de carburant pour exploser avec un volume d’air, il faut donc raisonner en volume et pour cela tenir compte de la densité des carburants de 0,8 pour l'éthanol et de 0,75 pour le SP95.


Donc en volume le rapport stœchiométrique devient :

((9 x 0,85) x 0,8) + ((14,7 x 0,15) x 0,75) = 7,77 pour l'E85
14,7 x 0,75 = 11 pour le SP95

Ce qui fait 7,77/11 = 0,70 soit 30% en plus d'E85 à envoyer par rapport à du SP95.

Donc en masse, afin d’atteindre le rapport stoechiométrique, il faudra 33% d’E85 en plus qu’au SP, et en volume, 30%. D’où les différents commentaires que l’on retrouve un peu partout indiquant qu’à l’E85, l’on consomme 30/35% de plus qu’au SP.

Autre point très important dont on entend souvent parler lorsque le sujet E85 est abordé, les démarrages à froid, voyons ensemble pourquoi les démarrages à froid à l’E85 sont plus difficiles.

Information dont on entend assez peu parler, le point éclair.

Il faut savoir que seules les vapeurs d’un carburant s’enflamment, ainsi, lorsque la vapeur s’enflamme, cela va ensuite créer l’évaporation du reste du liquide, et brûler tout le mélange. Même si pour certains cela paraît fou, à titre d’expérience, trempez une allumette allumée dans de l’essence, et vous verrez que rien ne brûlera, car dans l’essence, il n’y a pas d’oxygène, et pas d’oxygène = pas de flamme.

Le point éclair lui, correspond à la température de carburant pour laquelle ce même carburant va produire suffisamment d’évaporation de liquide pour s’enflammer, et ainsi, entretenir lui-même son auto inflammation.

Au Sans Plomb, le point éclair se situe à - 43 degrés celcius, ce qui signifie que de - 43 degrés celcius à + l’infinie, la combustion au Sans Plomb est capable de s’entretenir elle-même, c’est-à-dire que le carburant va produire suffisamment d’évaporation de liquide pour s’enflammer.

A l’éthanol (donc 100% éthanol), le point éclair se situe à 12 degrés celcius, ce qui signifie qu’en dessous de 12 degrés celcius, le carburant ne va pas produire suffisamment d’évaporation de liquide pour s’enflammer.

L’E85 contenant en théorie 85% d’éthanol l’été contre 65% en hiver, il aura lui un point éclair à :

(12 x 85%) + (-43 x 15%) => 3,75 degrés celcius l’été

Contre

(12 x 65%) + (-43 x 35%) => - 7,25 degrés l’hiver

Donc, en théorie, le moteur ne pourra pas démarrer en dessous de -7,25 degrés en hiver, et 3,75 degrés en été. Ceci est vraiment le point négatif de l’E85.

Et pourtant, bon nombre de voiture démarre quand même.

En effet, nous disposons de 2 outils essentiels qui vont permettre au carburant de s’enflammer malgré tout.

1/ L’allumage : L’étincelle fournie par la bougie est très importante, sont intensité, sa qualité, sa taille et sa température vont jouer un rôle important dans le démarrage. Ainsi, nous suggérons toujours de passer sur des bougie à technologie IRRIDIUM lorsque l’on passe à l’E85, elles permettront d’améliorer le démarrage à froid, de plus, la valeur de l'écartement influe sur la température d'allumage qui est en relation directe avec la combustion du mélange d'air et de carburant pulvérisé dans le moteur. Un écartement important se traduit par exemple par une étincelle plus grande.

2/ La quantité d’essence injecté durant la phase de démarrage : Elément ultra essentiel qui garantit le démarrage à froid, la quantité d’essence injecté durant la phase pendant laquelle on tourne la clé du démarreur, est paramétrable dans la cartographie.

          Pour en revenir à notre éthanol et à sa difficulté à s’enflammer lorsqu’il fait froid, nous savons que chaque carburant dispose d’un point éclair, mais ce point éclair est donné pour le rapport de mélange air/essence stoechiométrique, toutefois, le coefficient d’évaporation du liquide lui, sera inchangé quelle que soit la quantité d’essence injecté, ainsi, dans une pièce fermée de 10 M2,  si l’on fait évaporer 1 litre d’E85 ou 100 litres d’E85, nous sommes d’accord que l’odeur qui va en résulter dans la pièce, faisant suite à l’évaporation, sera nettement plus importante avec les 100 litres d’E85. C’est exactement ce principe qu’il faut utiliser pour améliorer le démarrage à froid. Il faut injecter plus de quantité d’E85 dans la chambre de combustion, ainsi, la quantité qui s’en évapore est plus importante, ce qui permet d’entretenir le cycle d’évaporation durant les toutes premières secondes (voir dixième de secondes) avant que la flamme ne prenne le relais comme réchauffeur de la chambre de combustion et entretenir le cycle d’évaporation.

2/ Quelques éléments à connaître pour régler un moteur à l’E85 :

          Nous avons vu précédemment qu’à l’E85, le rapport stoechiométrique était 30% plus bas que celui du Sans Plomb, donc plus riche en carburant, et pour rappel, le rapport stoechiométrique est le rapport de mélange de 2 matières pour lequel une explosion ne produira aucun résidu de surplus par rapport aux éléments qui lui ont été injectés. Mais contrairement aux idées reçues, cela ne veut pas dire pour autant qu’il faille injecter 30% de carburant en plus dans le cylindre pour que l’auto puisse fonctionner correctement. Cette idée à été construite sur la base du fait qu’au Sans Plomb, si vous rouler au-dessus des 14,7 du rapport stoechiométrique, la température des gaz d’échappement va peu à peu commencer à augmenter, et à partir de 16/17 des secousses vont se faire sentir. Mais ce n’est pas ce qu’il se passe à l’E85.

Voyons maintenant ce qu’il se passe sur les différents carburants :

  • Sans Plomb => Rapport stoechiométrique à 14,7, il est conseillé de rouler aux alentours de 14,7, et plus riche (jusqu’à 10/11) pour agir en tant que refroidisseur de la chambre de combustion pour éviter toute surchauffe, cela concerne essentiellement les moteurs turbocompressés
  • Gazole => Rapport stoechiométrique à 14,4, pourtant, la plupart des moteurs diesel tournent d’origine aux alentours des 20-25 d’AFR, car le moteur diesel fonctionne plutôt en excès d’air.
  • E85 => Rapport stoechiométrique à 9,8, pourtant rouler en excès d’air ne lui pose absolument aucun soucis, à 14,7 l’auto est très souple, et les températures de gaz d’échappement restent inférieurs à celles produites par le Sans Plomb.

          Ainsi, lorsque vous passez votre auto à l’E85, pour les phases de roulage dite « tranquille » et « stabilisés », la consommation en E85 sera très voisines de celle au Sans Plomb, car vous roulerez aux alentours des 14,7, or à 14,7 à l’E85, le mélange ne sera pas « riche » mais « pauvre », c’est-à-dire qu’il sera en excès d’air comme sur un diesel, et donc bien loin du rapport stoechiométrique indiquant les 9,8, de fait, la différence entre Sans Plomb et E85, en terme de consommation, ne sera pas aux 30% théorique mais plutôt identique. Toutefois, l’E85 étant 6% plus dense que le Sans Plomb, et l’injection se faisant en volume et non en quantité, la surconsommation sera de l’ordre de 6%. Uniquement en roulage stabilisé à 14,7 d’AFR, nous insistons sur ce point.

Maintenant voyons les aspects négatifs qui engendre la surconsommation, ils sont au nombre de 2.

          1/ Le premier est lié aux démarrages à froid + roulages à froid, comme nous l’avons vu précédemment, pour un agrément correct à moteur froid, il faut enrichir le mélange en carburant, de fait, cela implique une augmentation de la consommation, à noter que pour les utilisateurs qui prennent leur voiture chaque jour pour faire 5 kilomètres, l’E85 peut vite se retrouver ne pas être si économique que cela, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une grosse cylindrée.

          2/ Le second est lié à la densité, en effet, l’E85 étant plus dense que le Sans Plomb d’environ 6 %, toutes choses égales par ailleurs, la consommation sera supérieure, mais pas juste de 6%, cette variable n’est valable qu’aux 14.7, car en pleine accélération, à l’E85 un moteur va « plus respirer » qu’au Sans Plomb, la variable admission d’air va augmenter de manière exponentielle, et donc, la consommation d’E85 aussi. Car ce que cherche à maintenir le calculateur du moteur, c’est avant tout un rapport entre volume air et volume essence, mais ce rapport peut être fortement impacté en fonction de la quantité d’air admise.

          Autres éléments à prendre en compte, l’indice d’octane. Sur les moteur turbo, les réglages de mélange sont dits « riche », c’est-à-dire que la quantité de carburant sera en surplus de la quantité d’air, cette richesse sert essentiellement à refroidir la chambre de combustion. En effet, en étant comprimé, l’air se réchauffe, et cela peut aboutir au phénomène de cliquetis et détruire le piston. L’E85 disposant d’un indice d’octane nettement plus élevé que celui du Sans Plomb, et disposant d’une meilleure capacité de refroidissement que le Sans Plomb, il est possible de tourner à l’E85 « plus pauvre » qu’au Sans Plomb, sans que la température des gaz d’échappement n’augmente dangereusement.

3/ Outils dans la cartographie pour rouler à l’E85 :

          Dans la cartographie, plusieurs paramètres vont être utilisés pour adapter la gestion au carburant E85. Nous appelerons « tables » chaque paramètre, ainsi, il y a les tables de pression de turbo, les tables de richesse, les tables d’avance etc… Pour se faire, plusieurs méthodes existent.

          Soit il faut doubler certaines tables, et conditionner leur basculement par un événement (Méthode Opti-Map) ou bien enrichir au maximum la cartographie sans doublage de table, et laisser la sonde lambda, les apprentissages, et les corrections agir pour affiner les réglages.

                       1/ La bicartographie avec basculement conditionné par un événement (Méthode Opti-Map) :

          Mise en place de manière un peu artisanale au moyen de développements un peu précaires sur les Subaru dans les années 2007/2009 par nos développeurs, cette méthode nous a permis d’apprendre et de nous améliorer au moyen de notre expérience au fur et à mesure des 10 années qui se sont écoulés, et identifier tous les paramètres qu’il était nécessaire de retoucher pour faire une bonne gestion propre à l’E85. Par ailleurs, cela nous a également permis d’avoir un recul plus lointain sur le fonctionnement et l’incidence à long terme, puisque nous avons des autos qui tournent à l’E85 depuis plus de 150 000 kms.

De manière plus détaillé, voici les tables essentielles que nous retouchons dans nos bicartographie :

  • Taille des injecteurs : coefficient global permettant d’enrichir le mélange dans toutes les zones, c’est un paramètre assez difficile à trouver dans les cartographies
  • Latences des injecteurs
  • Mélange air/essence dans la phase où il n’y a pas de pression de turbo
  • Mélange air/essence dans la phase où il y a de la pression de turbo
  • Mélange air/essence dans les phases de transition
  • Impulsion de carburant lors d’appui spontané sur l’accélérateur
  • Correction du mélange air/essence à long terme
  • Correction du mélange air/essence à court terme
  • Interprétation du signal lambda
  • Avance à l’allumage
  • Ecoute et interprétation du signal de cliquetis
  • Différentes tables de gestion de la pression de turbo
  • Ouverture des injecteurs spécifiquement dans la phase durant laquelle on tourne la clé pour démarrer le moteur
  • Enrichissement du mélange air/essence en fonction de la température du liquide de refroidissement jusqu’à ce que l’auto soit chaude

          Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle reprend les tables essentielles que nous doublons dans nos cartographies pour avoir tantôt un fonctionnement spécifique Sans Plomb, tantôt spécifique E85.

          Ainsi, ces tables, particulièrement celles qui impactent le mélange air/essence, seront, dans notre méthode, doublés, pour que tantôt le moteur puisse rouler au SP, tantôt à l'E85. Ainsi, d'abord au SP98 nous réglons les autos en dynamique, avec une sonde d’analyse de mélange air/essence afin de vérifier les valeurs de mélange essentiellement, et spécifiquement sur chaque auto, ce qui permet d'avoir une précision de réglage accrue, et valider également que nous sommes bien dans les capacités de la mécanique.

                    2/ La bicartographie dite (Flex Fuel) :

          Méthode très en vogue aujourd'hui car répondant instantanément aux besoins des clients, qui eux souhaitent de plus en plus une voiture toute intelligente, rapidement, et pour un coût raisonnable afin que le jeu en vaille la chandelle, elle peut néanmoins, selon les constructeurs et les véhicules, très vite trouver ses limites.

          Dans l'idée, les paramètres cités au point 1 seront également retouchés afin d'enrichir le mélange dans le cadre de reprogrammation flex fuel, puis, la sonde lambda de la voiture va analyser le mélange air/essence en continue, et en fonction de ce qu'elle voit passer, elle va corriger l'ouverture des injecteurs afin d'ajouter ou d'enlever de l'essence.

          Mais la limite se trouve dans le fait qu'il s'agit de réglages médiants qui finalement ne correspondent pas totalement soit au carburant SP soit au carburant E85 mais idéalement à du 50/50 en réalité. Ensuite, en fonction du programmeur, la stratégie peut aussi être d'enrichir au maximum afin que ça passe et s'assurer au maximum qu'il n'y aura pas de casse, mais le soucis est que cela peut occasionner des broutages ou autre saccades dans certaines phases du fait que la plage de correction de la sonde lambda est trop restreinte. Ce phénomène "médiant" s'applique également à bien d'autres paramètres comme les démarrages à froid par exemple.

N.B. : Il existe des solutions flex fuel très précises et efficaces, mais elles impliquent l'installation d'une sonde d'analyse du mélange qui devra être branché sur le faisceaux de la voiture et qui interviendra comme un coefficient de pondération sur l'injection en fonction du signal de sortie de cette dernière, mais cette fameuse est déjà, à elle seule, assez onéreuse.

                          3/ Conclusion :

          Vous l'aurez compris, la bicartographie correspond vraiment à 2 cartographie différentes paramétrés dans le calculateur moteur, avec des réglages bien différents pour chaque carburant, là où une solution flex fuel se contentera de réglages médiant entre les 2 carburants, et de fait, en fonction du constructeur de l'auto, dans les points noirs, l'ont peu s'attendre à des broutages, à des surconsommation sur l'un des 2 carburants ou bien les 2, à des problèmes de démarrage ET roulage à froid, surtout l'hiver, ou encore un mélange trop pauvre en pleine charge (ce qui peut aboutir à une casse moteur par fonte du piston).

          La bicartographie peut-être réalisé soit au moyen d'une solution comme celle d'Opti-Map, soit par le biais d'un boitier externe embarqué qui permet de changer de cartographie en 1 à 3 minutes (comme le Powergate 3 d'Alientech par exemple), cartographie qui ont été réglés pour chaque carburant par le programmeur. La solution Flex Fuel quand à elle s'obtient par une seule et unique reprogrammation du calculateur.

          Enfin, nous pensons que les moteurs athmosphérique sont les plus enclins à recevoir les solutions Flex Fuel, pour un moteur turbo une bicartographie sera plus adapté, enfin, pour des moteurs turbo avec augmentation de puissance, la bicartographie reste vraiment la solution la plus recommandé car plus sur mesure, surtout en sachant qu'augmentation de puissance rime avec augmentation des risques... Mais après, cela reste aussi à pondéré en fonction des stratégies de gestion mises en place par le constructeur ainsi que la qualité du travail et des connaissances du programmeur.